Localisation : Centre
Historique
La construction du chemin de fer d'Argenteuil à Mantes fut entreprise tardivement, près de 50 ans après la mise en service de la ligne de Paris à Rouen par la rive gauche de la Seine. Entre temps, bien des projets plus ou moins fantaisistes virent le jour et bien des polémiques animèrent le débat autour du futur chemin de fer.
Les premiers projets
On pensa d'abord à réaliser un « tramway à vapeur », facile à construire et beaucoup moins coûteux qu'un chemin de fer traditionnel. Ce mode de transport hybride, entre chemin de fer et tramway, qui vit le jour au tournant des années 1860, commençait en effet à faire son apparition dans la région.
De 1865 jusqu'au début des années 1880, quatre ou cinq projets de tramway à vapeur furent successivement présentés pour la desserte de la rive droite. L'un d'entre eux proposait rien moins que de relier Argenteuil à Dreux en passant par Conflans, Triel, Meulan et Mantes. D'autres, plus modestes, se contentaient de joindre Argenteuil à Mantes en suivant la vallée de la Seine, parfois si près du fleuve qu'on s'exposait aux risques d'inondation.
Pendant ce temps, le trafic sur la rive gauche, entre Paris et Mantes, continuait de s'accroître et atteignit un seuil critique dès les années 1880. Le Ministère des Transports envisagea alors de doubler ce tronçon par une ligne reliant Argenteuil, déjà desservi, à Mantes où l'on rejoindrait la ligne principale. Ainsi, le trafic banlieue pourrait se partager entre les deux rives de la Seine.
Ce qui fut fait et le 17 juillet 1883, la concession d'un chemin de fer d'Argenteuil à Mantes fut accordée à la puissante Compagnie des Chemins de fer de l'Ouest.
Étude et travaux,...
L'étude sur le terrain commença dès l'obtention de la concession et elle dura près de cinq ans, émaillée d'enquêtes d'utilité publique, de réclamations véhémentes et de pétitions de toutes sorte. Citons par exemple cette demande émanant du Ministère-même : à Meulan, la station devant se trouver sur le territoire d'Hardricourt, les ingénieurs proposèrent de lui donner le nom de « Meulan-Hardricourt ». Mais le Ministère des Travaux Publics rejeta cette proposition au motif que la station était destinée à desservir avant tout Meulan (2.000 habitants) et non Hardricourt (225 habitants) et qu'il n'était « nullement nécessaire de compliquer la désignation de la gare de Meulan pour donner une simple satisfaction d'amour propre au village d'Hardricourt. »
Enfin, le 9 mars 1888, fut donné le premier coup de pioche du chemin de fer d'Argenteuil à Mantes. On avait longtemps espéré que la ligne serait achevée pour l'Exposition Internationale de 1889 (celle qui vit l'érection de la Tour Eiffel), mais il était alors évident qu'on ne serait pas prêt. En fait les travaux durèrent quatre longues années.
Le chantier de construction fut pour le moins pharaonique. D'abord par le nombre d'ouvriers engagés : ce fut en avril 1890 que ce nombre atteignit son apogée avec un total de 1319 hommes. Par l'ampleur des terrassements aussi : en pleine période des travaux, on déblayait chaque mois 99.000 mètres cube de terre. Au total les travaux entraînèrent le déplacement de 2,3 millions de mètres cube de terre, ce qui est considérable quand on sait que l'essentiel fut fait à la pelle.
La Compagnie des Chemins de fer de l'Ouest n'hésita pas à faire appel aux meilleurs ingénieurs, et parmi eux, M. Bonnet, le maître d'œuvre, qui fut salué par la presse pour son efficacité : « ... M. Bonnet [...] doit être félicité non seulement de la rapidité avec laquelle il a mené à bien ce lourd travail [...] mais du goût qu'il y a déployé. » Gustave Eiffel participa également au chantier en construisant le viaduc en fer surplombant l'Oise près de Conflans. Cet ouvrage sera détruit par un bombardement durant la Second Guerre mondiale.
L'ouverture, enfin...
L'inauguration officielle de la ligne eut lieu le 28 mai 1892. Ce fut une grande fête à laquelle participèrent de nombreuses personnalités du monde politique ou industriel, mais aussi chacune des communes desservies. Ainsi, à Triel, Meulan ou Mantes on sut recevoir en grande pompe les personnalités du convoi inaugural avec musique et fleurs à profusion.
Enfin, le 1er juin 1892, la ligne d'Argenteuil à Mantes fut officiellement ouverte au public. Le premier train partit de Mantes à 5 heures 57 ; nombreux furent ceux qui ne voulurent pas manquer cet événement. Malgré l'heure matinale, tout le monde était à sa fenêtre. Partout, dans chaque village, dans chaque station, les habitants exprimaient leur joie et faisaient des « signes sympathiques » aux heureux premiers voyageurs de la ligne.
Cette ligne allait changer la vie des Triellois, car dès son ouverture, la Compagnie mit en service quotidiennement une trentaine de trains (16 vers Paris et 15 vers Mantes). Et ce fut immédiatement un grand succès. En 1893, la station de Triel à elle seule compta 108.000 voyageurs et au total plus d'un million de passagers fréquentèrent la ligne.
Jean-Claude DESMONTS
Pour approfondir le sujet, voir aussi :
Le chemin de fer d'Argenteuil à Mantes - Première partie – Naissance d'un projet
Le chemin de fer d'Argenteuil à Mantes - Deuxième partie – L'étude préliminaire et les travaux
Le chemin de fer d'Argenteuil à Mantes - Troisième partie – L'inauguration