Sur la Grande Histoire

Compte rendu de la conférence de Jean-Christian PETITFILS : «Louis XIII, un Roi méconnu»*

Le 17 mai 2011 à la Base de Loisirs du Val de Seine (78480 - Verneuil-sur-Seine)

Il est vrai que la figure de Louis XIII paraît bien pâle entre le bon roi Henri IV, son père qui, sans parler de la légendaire poule au pot, fut l'homme de l’Édit de Nantes, et Louis XIV, son fils qui porta si haut le prestige de la France. Mais il fut surtout victime du Romantisme qui présenta de lui une vision très réductrice où il est écrasé par « l'homme rouge ».

Alexandre Dumas entre autres en fait un être falot et velléitaire ; les manuels scolaires et universitaires évoquent avant tout le rôle de Richelieu sous la dictée duquel, dans une illustration, le roi écrit ses commandements. Michelet intitule un des chapitres de son Histoire : Henri IV et Richelieu, un autre : Richelieu et la Fronde. Peu de films mettent en scène le roi ; un disque contient la musique au temps de Richelieu.

Jean-Christian Petitfils ainsi que d'autres historiens ont essayé de rectifier l'image quelque peu brouillée de ce souverain.

 

Une constitution fragile et un handicap langagier

Jean-Christian Petitfils a utilisé les 11000 pages du journal du médecin de l'héritier royal couvrant la période de 1601 à 1628, c'est-à-dire de la naissance de Louis à la mort du Docteur Héroard. On y trouve tous les renseignements physiologiques et pédiatriques : de l'aspect des selles aux premiers mots de l'enfant.

Le roi souffre d'une maladie intestinale chronique que la médecine actuelle assimile à la maladie de Crohn. A la fin de l'exercice de Héroard, en douze mois, il subit 47 saignées, 215 lavements.

D'autre part, il est victime de difficultés d'élocution puisqu'il est bègue et le récent film : Le Discours d'un Roi montre à l'évidence le complexe souvent induit par ce bégaiement et l'importance d'une parole assurée pour un homme de pouvoir dans ses relations avec des subordonnés ou dans les pourparlers diplomatiques avec ses égaux.

 

Le milieu familial

Il naît à Fontainebleau du roi Henri IV et de Marie de Médicis et est élevé à Saint-Germain en Laye au château vieux, au milieu de ses frères et sœurs, parmi lesquels les nombreux bâtards du Vert-Galant. L'assassinat en 1610 de son père qu'il aimait profondément malgré la rudesse de son éducation est un traumatisme d'autant plus grave que sa mère manifeste sa préférence pour son frère Gaston.

Ce n'est guère avec Anne d'Autriche, épousée à l'âge de 14 ans, qu'il aura de réels liens affectifs. Peut-être a-t-il des tendances homosexuelles, peut-être préfère-t-il les amours platoniques avec Mademoiselle de Lafayette et Marie de Hautefort. En 1638 naît, après 23 ans de mariage, le futur Louis XIV.

 

Le portrait psychologique

Un enfant terrible

Dès la prime enfance, il est pleinement conscient de son rang et se montre autoritaire et batailleur : on lui confectionne une armure à sa petite taille ; il commande alors les bâtards d'Henri IV et fait la guerre aux Turcs, aux Espagnols... « Je tuerai tout le monde... Je tuerai Dieu. »

Sacré roi à 10 ans, il fait sentir à ses précepteurs son pouvoir et sa volonté : « Si j'essayais de vous avoir un évêché, est-ce que vous raccourciriez la leçon ? »

 

Une intelligence médiocre et tatillonne

Doté de volonté et d'une bonne mémoire mais pas d'une grande intelligence, il saura faire équipe avec un génie, Richelieu qui n'est pas le Machiavel souvent dépeint mais un homme plutôt modéré.

 

Un esprit ouvert aux arts

Passionné de chasse pour laquelle il se fait construire le pavillon de Versailles qu'agrandira, nous savons dans quelles proportions, son fils Louis XIV, il apprécie aussi la musique et compose chansons et motets, crée des ballets et peint à l'école de Simon Vouet.

 

Un guerrier vaillant

Pendant les guerres, il vit avec ses soldats. Son énergie et sa vaillance lui permettent de remporter des succès. Il lutte contre les Protestants, non comme les représentants d'une religion désormais tolérée mais en tant que puissance politique et militaire : à la suite du terrible siège de La Rochelle en 1627 (5400 survivants sur 28000), les Protestants ne sont plus un état dans l’État et renoncent aux privilèges et aux places fortes. En 1635, la guerre contre l'Espagne lui permet de repousser les troupes ibériques juste à temps, près de Corbie, non loin de Paris.

Cette guerre qui fit grimper la fiscalité pour augmenter le budget de 40 à 200 millions entraîna bien des révoltes populaires : les Croquants du Périgord par exemple.

 

Une volonté inflexible dans les épreuves

Il est l'objet de nombreux complots: il vit entouré d'ennemis. Son frère, Gaston d'Orléans complote contre lui. Lors de la Régence de sa mère, le favori Concini s'assied à la place du roi considéré comme quantité négligeable. Louis XIII et Luynes fomentent l'arrestation de Concini et son assassinat. Marie de Médicis, exilée à Blois, déclenche une guerre civile que le roi matera. Il se réconcilie avec sa mère mais s'ensuivra une série de disgrâces foudroyantes.

1630 : la journée des Dupes. Un gouvernement à trois têtes : le roi, Marie et le cardinal de Richelieu, existe dans les faits. Marie veut chasser Richelieu qui est confirmé dans ses fonctions par le souverain.

Ce dernier se réconcilie en 1637 avec son épouse, Anne d'Autriche, favorable aux Espagnols.

D'autres complots émailleront son règne, le plus célèbre étant peut-être celui de Cinq-Mars. Louis qui se veut le Juste ne gracie pas ceux qui ont été hors-la-loi.

 

Un homme stoïque

Le tempérament mélancolique et sauvage de Louis XIII peut s'expliquer par les souffrances physiques qu'il subira toute sa vie et jusque dans son agonie pathétique dans les bras de Saint Vincent de Paul et exemplaire par sa piété. Il meurt en 1643 à l'âge de 42 ans, peu de temps avant son ministre Richelieu.

 

Un vrai patriote

La France qu'il gouverne est loin d'avoir les frontières actuelles. Sa population très importante pour l'époque est à 80% rurale et l'espérance de vie est de 25 ans. La moitié ne parle pas français. Le roi n'aura de cesse de s'opposer à tous les troubles provoqués par les grands du royaume (Condé en particulier) , nobles d'épée qui méprisent la récente noblesse de robe et par les protestants, troubles qui risquent de faire sombrer un royaume déjà fragile. Il a lutté contre l'emprise des Habsbourg, a réalisé l'unité française et obtenu la pacification religieuse. Il aspirait, non à une gloire personnelle mais à la grandeur de l’État pour lequel il a construit les bases d'une monarchie absolue avec une administration, une armée, des ports.

 

 

Jean-Christian Petitfils rend ainsi à Louis XIII une place plus équitable entre Henri IV et son siècle de guerres de religion et Louis XIV le monarque par excellence. Louis XIII a préparé l'absolutisme de Louis XIV qui assistera au sursaut des nobles avec la Fronde, devra faire face à d'autres révoltes protestantes et paysannes et agrandira le territoire français au détriment des Habsbourg.

Françoise D.

 

(*) Jean-Christian Petitfils, « Louis XIII, un Roi méconnu », Perrin

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