Article établi d'après la conférence donnée aux Archives Départementales par M. Wilfrid Eon, attaché de conservation.
Versailles qui fut l'objet de la première conception urbanistique au XVIIe siècle aurait pu se voir concéder la première ligne ferroviaire avant celle de Saint-Germain-en-Laye. Mais, pour des raisons techniques, le projet Paris- Le Pecq – Saint-Germain a obtenu la primeur.
LE TRAIN
Les lignes
Fin 1835, le projet Richard prévoit un embarcadère sur la contre- allée de la place d'Armes.
Péreire envisage une ligne Paris–Saint-Cloud–Versailles, boulevard de la Reine. Le conseil municipal refuse. La ligne est mise en chantier d'Asnières à Viroflay en1837. L'embarcadère à Versailles est prévu avenue Duplessis, ce qui est loin du château (Photo 1).
Achille Fould s'occupe de la rive gauche avec départ de Maine-Montparnasse et arrivée à l'actuelle rue du Général de Gaulle. Ce chantier s'avère ruineux à cause des mouvements sociaux et de la construction de nombreux ouvrages d'art. Rue des Chantiers (ce nom remonte au XVIIe siècle : il désigne l'emplacement où travaillaient les tailleurs de pierres), on assiste à de nombreuses expropriations et destructions d'habitations. Le maire consigne les doléances et soutient les demandes d'indemnisation mais les Versaillais sont, dans leur ensemble, favorables au chemin de fer susceptible d'enrayer la crise économique.
La locomotive de la rive droite est une Crampton, celle de la rive gauche une Muray plus puissante.
Les gares
Versailles rive droite est inaugurée en 1839. Versailles rive gauche en 1840, Versailles-Chantiers en 1849.
A l'intérieur, on trouve des bibliothèques, des bouillotteries, des mutoscopes, appareils qui moyennant une piécette permettent de feuilleter des vues (Photo 2) et, dès 1894, des distributeurs automatiques.
A l'extérieur, on assiste au va-et-vient des omnibus; les premières réclames attirent les yeux; les restaurants font florès.
En 1932 est inaugurée une nouvelle gare des Chantiers qui enthousiasme avec sa façade convexe (Photo 3).
La réglementation
Le préfet a le droit de police; les accidents sont fréquents: suicides, chutes et imprudences. La catastrophe de Meudon en 1842 (la première en France), où un autre convoi percute le train à destination de Paris, fait 55 victimes parmi lesquelles on trouve le célèbre explorateur Dumont-Durville. L'on constate qu'une petite fille de Versailles, née pourtant longtemps après, évoque dans sa rédaction du certificat d'études ce fait divers qui a marqué les esprits (Photo 4).
La rentabilité
Les lignes ne sont pas rentables et vont être soutenues par l'État. Rive droite et rive gauche forment la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest.
LES TRAMWAYS
Au XIXe siècle, les quartiers sont très cloisonnés. Les tramways suburbains franchissent l'octroi, non les tramways urbains.
Origine et chronologie du tramway
Ce véhicule sur rails, tiré généralement par deux chevaux, apparaît à New York. Mais à cause des rails faisant saillie sur la rue, on en revient vite aux classiques omnibus, jusqu'à ce qu'un Français, Alphonse Loubat propose des rails encastrés dans la chaussée. Ce tramway porte le nom de chemin de fer américain (Photo 5).
En 1857, la ligne Boulogne – Versailles est créée mais elle sera déficitaire, les lourdes voitures de 53 places nécessitant un troisième cheval pour monter la côte de Sèvres.
En 1870, sur la ligne Louvre-Versailles, les parlementaires ont droit à des voitures réservées qui seront supprimées lorsque les députés reviendront à Paris.
En 1894, les locomotives Mekarski à air comprimé apparaissent ; (Photo 6) la C.G.O. (Compagnie Générale des Omnibus) jalonne son réseau d'abris élégants.
En 1896, la traction animale disparaît complètement, d'abord au profit de la vapeur, (Photo 7) puis de la traction électrique (Photo 8).
En 1905, l'électrification de la ligne Versailles-Louvre nécessitera l'installation de poteaux atteignant la troisième étage des habitations.
Saint-Cyr
Très vite, dès 1851, le transport des militaires par omnibus est effectué entre Versailles rive gauche et la prestigieuse école (Photo 9).
En 1889, la vapeur remplace les chevaux. Peu d'accidents surviennent mais des litiges entre les militaires et la Compagnie exacerbent les susceptibilités : selon un général, une colonne de soldats aurait failli être fauchée par le tramway sans la précipitation des officiers qui alertèrent le mécanicien ; à cela, la Compagnie rétorque que, la présence d'esprit du wattman a empêché que les hommes stationnant sur les voies du tram ne soient heurtés.
En 1932, une voiture électrique effectue la liaison ; l'impériale a disparu et les usagers, souvent exposés aux intempéries, ne la regrettent pas (Photo 10).
Disparition des tramways
La circulation augmentant, les accidents se multiplient et le 3 mars 1957, les lignes disparaissent au profit des autobus. Une cérémonie, présidée par la grande vedette de l'époque Maurice Chevalier, rassemble 100 000 personnes qui voient défiler, pour un « enterrement » symbolique du tramway, un char funéraire conçu par l'école des Beaux-Arts.
Alors que de nos jours, de nombreuses lignes ferroviaires sont fermées, au XIXe, pléthore de petites lignes existaient dans les Yvelines : leur tracé sert maintenant de chemin de randonnée (Photo 11).
Les villes et villages étaient traversés en plein centre par des locomotives polluantes et bruyantes (Photo 12).
A notre époque, où la pollution occasionnée par les voitures et les autobus rend l'air de plus en plus irrespirable, le tramway, d'abord relégué au musée, réapparait relooké, modernisé et reprend sa place sur les avenues de nos villes.
Françoise
Sources :
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Archives départementales des Yvelines
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Les petits trains et les tramways des Yvelines et de l'Ouest parisien du XIXe siècle aux années 2000 par Claude Wagner - Ed. Valhermeil.