Localisation : Centre
Historique
En 1780, M. François de la Bastie, ancien receveur des Finances du roi Louis XV, achète une ferme à Triel, en bordure de la Seine et fait construire une grande maison de campagne le long de la route qui va de Triel à Meulan. Il fit même construire un quai de 150 mètres de long sur les berges de la Seine, pour « défendre la colline contre les glaces amenées par le fleuve » (disent les titres de propriété). Au fil des ans, le parc se trouva fort agréablement aménagé en vergers, potager, orangerie, serres, bassins...
M. de la Bastie vendit sa propriété en 1793 à M. Frontin qui ne l'habita que deux années seulement, la revendant le 7 messidor an VI à M. Jean Lecomte. Ce dernier y demeura jusqu'en 1807 et la revendit à M. Robert-François Galbois qui la céda en 1819 à son neveu, M. le baron de Galbois.
Dix ans après, en 1829, monseigneur Cottret, évêque de Beauvais, acheta la demeure. Il y restera jusqu'à sa mort le 13 novembre1841; auparavant, il avait légué sa propriété à sa nièce, Mme veuve Tranchand. Celle-ci ne conservera le patrimoine familial que quelques mois puisque le 10 mars 1842, M. Pierre Pillet, imprimeur-libraire à Paris, se rend acquéreur du domaine.
Le 5 octobre 1845, M. Pillet achète une seconde maison appelée "les lierres" sise au 326, rue Paul Doumer. M. Pierre Pillet décède le 14 août 1858. Sa veuve qui hérite des deux propriétés y vivra seule jusqu'à sa mort en 1885. Les héritiers Pillet ne conserveront pas les deux habitations et les revendront aussitôt à un agent de change, M. Brun, le 13 juin 1885. Il résidera à Triel pendant 36 ans.
Il revendra les deux propriétés, le 22 octobre 1921, à Mademoiselle Otero, elle avait alors 53 ans et vivait avec un ami, M. Brou, banquier, qui avait sans doute participé au financement pour l'achat des deux propriétés.
A son arrivée à Triel en 1921, elle fut bien accueillie par les gens de son quartier et de la paroisse. Chaque année elle faisait dresser un sapin de Noël dans sa propriété pour les enfants de son quartier.
En 1925, elle fit installer une fontaine pour éviter aux habitants proches, la corvée d'eau avec des seaux dans la Seine. Ce fut un événement considérable et une plaque souvenir fut dévoilée lors de l'inauguration de cette fontaine.
En juin 1926, Mme Otero met en vente ses deux propriétés. En septembre 1926, M. Witzig, ingénieur, est le nouveau propriétaire. Il est marié à Melle Besnard, fille de banquier. Le couple fortuné améliore à son goût le confort des maisons et restaure les jardins qui étaient très négligés...
A la mort de son mari, Mme Witzig assurera seule la gestion des deux propriétés, puis âgée et devant l'impossibilité de gérer cet immense domaine, elle le mettra en vente. La propriété sera achetée en l'état par la Société Foncière d'investissement qui obtiendra le permis de construire en mars 1965, pour édifier la résidence « Beau Rivage ».
Dès lors les bulldozers entreront en action et feront table rase.
Caroline Otero était une petite galicienne, née en 1868 à Cadix, d'une mère gitane prostituée et d'un officier grec nommé Carasson. Très pauvre et mal vue dans son village, la vie de la jolie petite Caroline était misérable.
Traumatisée à la suite de violences qu'elle a subies dans son village, à 12 ans elle part en direction de Barcelone. Un beau danseur, Paco Colli, devient son protecteur et lui apprend le chant, la danse et la comédie. Il profite sans scrupules de l'argent qu'elle gagne... Il l'emmène en voyage sur la Côte d'Azur et, sans coup férir, elle le quitte et part à la conquête de la France.
Grande et bien faite, le teint doré, les cheveux noirs et les dents de porcelaine font des ravages. Elle devint une reine chez Maxim's. Sa beauté, sa sensualité, son impudeur fascinèrent tout ce que l'Europe, l'Amérique, et même l 'Asie comprenaient de fortunés. Se ruiner pour elle devint une mode. Se tuer pour elle, un honneur. A ses pieds se traînaient les rois, à son cou pendaient des colliers dignes des reines.
Mais le jeu, sa seule vraie passion, la laissa aussi pauvre qu'à sa naissance. Elle est décédée à Nice à l'âge de 97 ans dans une simple chambre d'hôtel meublé où elle s'était retirée.
Rien ne subsiste de la résidence du Receveur des Finances de Louis XV qui aura brillé pendant deux siècles et abrité de nombreuses personnalités...La « Fontaine de la Belle Otero » et sa plaque commémorative ont également disparu sous la pioche des démolisseurs d'une société foncière d'investissement...en 1965, l’année même de la mort de Caroline.
TMH – novembre 2015