Les Mémoires Vives

Mémoires vives - Entretien avec Jacqueline Haquin

 Entretien de Dominique Aerts avec Jacqueline Haquin, 93 ans, en sa demeure à Triel, en janvier 2018.

 ID625 01Mes parents sont venus habiter à Triel. J’étais très jeune, puisque c’était en 1930. J’avais 5 ans. Mes souvenirs sont vagues. Ils habitaient une maison sur l’avenue de Poissy, une maison en meulière qui donnait d’un coté sur l’avenue de Poissy et de l’autre sur la rue des Graviers. A l’époque, je me souviens, sur la rue de Poissy, il y avait des arbres, des acacias. Ma mère nous faisait des beignets d’acacias. Je jouais avec les fils Naudin, le père et l’oncle de Jean Paul. Et aussi avec un enfant du charbonnier Auchat. Mes parents déménageaient souvent. Je ne suis pas restée longtemps à Triel. Ensuite j’ai perdu ma mère et j’ai eu une période un peu compliquée.

Je suis revenue à Triel en 1965. Nous cherchions un pavillon pour nous agrandir, pour un travail de couture. A Paris, il était impossible deID625 02
garer la camionnette, on habitait à coté de la rue de Clichy et on fabriquait et vendait notre production au marché. C’était pas du 35 heures, c’était variable suivant la saison, ça a fini en queue de poisson, ça n’était plus valable. On est venu à Triel pour avoir de la place. Pour trouver un terrain, on a cherché en banlieue dans la zone nord, nord-ouest de Paris. Triel, ça m’a dit quelque chose. Comme on n’avait ni samedi, ni dimanche, comme ca, ça sera la campagne pour nous, les jours où on ne travaillera pas. On a pris le terrain ici : il était en 4 parties appartenant aux Tréheux de Triel, de Verneuil, Vernouillet, Huet aussi. On a fini de construire en 1968 et inauguré en février 1968. Ce qui nous a plu à Triel, c’est qu’il y avait le train et des commerçants, un bourg complet à l’époque. (Photo : Triel, vue aérienne, aperçu de la rue des Fontenelles).

 J’allais acheter mes chaussures chez Mme Bazin à côté du marchand de linge de maison et chemises Mr et Mme Delor. Je me souviens aussi du bazar Massol, il y avait 3 bouchers et un boucher chevalin. Dans la rue Paul Doumer, un pharmacien Jolin qui a vendu après à Mme Falleur. Il y avait le pâtissier Baillache, le crémier Janin qui faisaient les tournées. Personne ne livrait dans la rue des Fontenelles parce qu’il n’y avait pas toutes ces maisons ; il y avait celle d’en face au 33, une au 55 et une au 35-36, Mme Madeleine. Il y avait des champs autour de la maison. Je me souviens que quand la laitue était montée, j’allais voir et je leur demandais de la «  salade cuite » et à gauche, il y avait un champ de persil. Plus loin, il y avait un grand trou, et après la maison de Mr et Mme Gandoin qui ont construit en même temps que nous. Au début quand ils sont arrivés, ils vivaient la semaine, au-dessus de la boucherie mais le week end, ils habitaient dans une petite cabane, sur la hauteur au dessus d’une carrière. Puis, leur maison s’est construite à l’entrée d’une carrière. Si on perçait leur maison, on trouverait l’entrée de la carrière. Le reste était des maisons de campagne construites par des parisiens, par exemple « Les 4 Vents » une grosse propriété.

 Mes métiers, couturière et secrétaire

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A 93 ans, j’assiste deux fois par semaine à la gym seniors. Souvent, on me propose de me donner le bras pour marcher, mais ce n’est pas la peine. J’ai toujours fait du sport, surtout de la randonnée avec mon mari, même en montagne. C’était nos vacances, l’hiver on faisait du ski et l’été de la randonnée, et entre temps, le lundi, jour de repos pour nous, on marchait sur le GR2 jusqu’à Rouen par tranches de 20 kms. On a fait aussi du vélo dans toute la région. On a même fait partie d’un groupe de rando d’Andrésy, les « Pousse Cailloux ». A la retraite tous les dimanches, on faisait 20kms à pied. Et une fois par an, on randonnait pendant une semaine, dans une région, soit les gorges du Tarn, les gorges du Verdon et surtout la Bretagne. On faisait 800 à 1000 kms par an. On ne ratait pas un dimanche, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige. Une fois, en novembre sur la côte près du Havre, on a eu de la pluie à l’horizontal toute la semaine.

J’ai voulu faire de la gym à Triel, mais il n’y en avait pas à l’époque pour les seniors, les filles ne m’ont pas accepté, j’ai été mal accueillie et du coup, j’ai été à Andrésy pendant 10 ans. Mais je faisais 100 litres d’essence par an avec les allers et retours. Un jour, il y a eu un groupe à Triel que j’ai fréquenté ; Ce n’était pas terrible. Il y a eu une monitrice pas facile, mais depuis que c’est Catherine Ernout, c’est parfait, elle tient bien son truc et jamais elle ne s’absente. Une fois par an, il y avait un voyage organisé et quand j’étais à Andrésy, il y avait un rassemblement départemental. On s’entrainait pour faire des chorégraphies avec démonstrations à Rambouillet. On faisait des sorties organisées avec d’autres départements.

 

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 J’ai été aussi au sanatorium, à l’Albarine, nom de la rivière locale dans le Jura, à Hauteville Lompnes (photo ci-contre); les établissements n’étaient pas forcément à la montagne, il y en avait un grand, dans le Val d’Oise. C’était les sanas de la Ville de Paris, un pour les hommes, un pour les femmes, un pour les étudiants ; c’était une ville de sanas. Il y avait aussi des sanas privés (4 ou 5). C’était des grands immeubles et nous, on était 300. C’était en 1952. On n’avait pas le droit de sortir. Je m’occupais de la bibliothèque, certaines faisaient le ménage car il n’y avait pas beaucoup de personnel. Elles étaient payées mais pas cher. Avec une grande copine très chouette, on a décidé de faire grève ; c’était ridicule, ils nous payaient 50 centimes de l’heure, soit 15 francs par mois, même si la monnaie n’est pas la même, ce n’était pas beaucoup. On avait aussi une grande entreprise de tricot avec de très bonnes tricoteuses. Moi, j’avais fait un tricot d’art, pas en laine mais en coton perlé, avec pour motif, la plume de paon comme ma taille (1.20 m de diamètre). Quand j’ai fini ce truc là, j’avais 3000 mailles ; c’était des grandes aiguilles qui étaient montées sur un fil de fer. Fallait pas se tromper, pas de bavardages, fallait se concentrer. C’était du tricot. On était en dortoir, pas en chambres individuelles. Nous, on était 7 dans notre dortoir. Le soir, ils fermaient le chauffage et il fallait ouvrir les fenêtres. Une fois, on a eu -28° les fenêtres ouvertes. Quand on s’est réveillées, on avait toutes du givre sur les cheveux. Il faisait des hivers très froids dans le Jura. C’était chacune notre tour pour aller fermer les fenêtres, fallait sortir du lit. Ils rallumaient à 7h. Dans notre petit dortoir, on avait deux femmes pratiquement illettrées, déjà au sana depuis 2 ans. (Sur la photo les compagnes de Jacqueline au sana).

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ID625 08Quand je suis arrivée au sana, il y avait les médicaments, avant non. On avait notre traitement de PAS tous les matins, on l’avait au bras. On se baladait avec le perfuseur et aussi le « Rimifon ». Avant il n’y avait rien, elles, elles étaient là depuis deux ans, elles trainaient. Elles étaient mariées et leurs hommes étaient partis. Elles avaient dans l’idée de devenir femmes de service. Elles étaient de conditions très modestes. Mais pour être femme de service, il fallait avoir son « certif », alors avec ma copine, on s’est attelées pour qu’elles aient leur « certif ». Elles l’ont eu. C’était terrible, c’était tout une vie. Au Printemps, c’était superbe là-bas, les champs étaient couverts de jonquilles. Quand on avait quelques sous, avec les camarades, on rigidifiait tous les tricots pour que ça ait plus d’allure. Il fallait tirer les tricots sur des planches avec des épingles et mettre de l’amidon. Avec nos sous, toutes, on s’était payées un taxi et on était allées à Annecy se balader la journée. On avait un jour de sortie par semaine. Sinon, c’était sévère, on avait des femmes qui passaient partout dans les dortoirs, c’était comme des surveillantes de prison. Autour du sana, c’était la prairie, la montagne. Les garçons, on ne les voyait jamais. On était vraiment chacun à part. C’était les restants de la guerre. Au fur et à mesure, les sanas ont fermés. Celui de St Gervais les Bains était très connu. Ils l’ont gardé très longtemps et puis, ça a fermé. Un près d’ici a été conservé pour soigner d’autres maladies. Pour moi, je l’ai eu mauvaise car je suis partie là-bas la veille de Noël 1952, le moral était plutôt bas. J’y suis restée 9 mois. J’ai eu un pneumothorax que j’ai gardé 4 ans et après, toutes les semaines, j’allais dans un dispensaire spécialisé à Paris pour me remettre de l’air. J’allais me faire insuffler. Il y a quelques années, j’ai eu une radio pulmonaire, j’ai dit à la personne que j’avais eu la tuberculose, elle m’a dit que ça ne se voyait même plus.

 

 

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 Mon mari, lui était un montmartrois. Il est parti en 1938 pour faire son service militaire. En 39/40 la guerre a été déclarée et après il est parti en Allemagne comme prisonnier. Il était dans une ferme. Les fermiers étaient bien embêtés car leur fils était en Russie. Il est rentré en 45. Nous y sommes retournés en 59, on a été accueillis comme des stars. Surtout qu’on est arrivés un jour de fête du village ; on nous a présentés à tout le village. Ils avaient gardé un très bon souvenir les uns des autres. Mais, beaucoup plus tard, je suis allée à Seligenstadt. Je suis mal tombée, c’était le carnaval. Il faisait très froid (-15°). Du coup, le car ne pouvait plus repartir. C’était vraiment une mauvaise chose.

Nous n’avions aucun lien avec les familles de Triel.

On allait souvent chez Mme Madeleine, en face et aussi chez Mme Parent, toutes les deux, rue des Fontenelles.

On a fait du vélo avec les « Gandoin », quand c’était tous les deux, car quand c ‘était lui tout seul, il allait très loin et d’une façon plus sportive que nous. Il s’est décidé à se faire opérer de la hanche, il avait déjà 80 ans, il aurait pu le faire avant. Au chirurgien, je lui ai envoyé au moins 6 clients de Triel et une copine de rando. Moi, j’ai eu les 2 hanches, comme chirurgie, c’est parfait et maintenant en plus, c’est très rapide. Pour moi, la 2e hanche qui a été faite, 4 ou 5 ans après la 1ere, le lendemain de l’opération, je descendais les escaliers. Je m’entrainais dans les couloirs, le chirurgien avait dit : « pas la peine de faire de la rééducation, faut marcher c’est tout ».

 

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