Témoignage de M. Alain Albert recueilli le jeudi 13 octobre 2011.
Alain Albert est né en 1945 à Triel, au 1er étage de la boutique.
Enfant, il habitait au 216 rue Paul Doumer, au dessus de la boulangerie, au 2ème étage. Il a un frère, Jean Claude, de 13 ans son aîné.
Il est le fils d’Henri Albert, né en 1907 à Triel, menuisier de profession. Henri Albert a fait son apprentissage chez M Cauchois, rue de Chanteloup, avant d’être embauché au chantier naval de Meulan, à l’entrée de la ville, au niveau du lieu dit Thun. Divers Triellois ont aussi travaillé là bas. Au moment de Noël, M Cauchois faisait fabriquer, par ses ouvriers, des jouets en bois qu’il vendait aux grands magasins parisiens.
Henri Albert a participé à la guerre de Syrie en 1927 dans l’artillerie de montagne. Les pièces d’artilleries étaient démontées et déplacées à dos de mulets à travers les montagnes syriennes. Cette guerre, dont on n’a jamais fait état dans les manuels scolaires, fut appelée pacification et ses participants jamais reconnus comme anciens combattants.
Alain Albert est le petit fils de M. Eugène, Ernest Albert et de Mme Ozélia, Florentine Albert, née Chantepie, nés dans les années 1880, (pas de dates connues). Mme Albert tenait l’épicerie – fruiterie au 200 Grande Rue à Triel, à la place de l’actuel fast food grec. Son mari, lui, approvisionnait en fruits et légumes, les Halles de Paris.
Albert Alain est le neveu de Renée dite Nénée Albert pour la famille et Nénette Albert pour les clients et de Fernande Albert, toutes les deux célibataires. Fernande Albert vivait avec sa sœur à Triel mais travaillait à Paris. Les deux sœurs étaient plus âgées que leur frère (pas de dates connues).
Renée Albert a travaillé dans la boutique de ses parents avant de reprendre l’épicerie buvette, fruiterie Grosbois, au 175 Grande Rue à l’enseigne Buvette Saint Martin. Cet établissement détenait une licence IV, la plaque était visible sur la devanture.
D’un côté, la boutique était mitoyenne avec les marchands de chaussures, Cauchefer puis Rusta, de l’autre avec les quincailliers Linais puis Doufils. Les trois immeubles appartenaient au même propriétaire, le laitier Leroy.
Le rez de chaussée du 175 était composé de trois pièces : la boutique, la cuisine avec l’escalier pour accéder au sous sol et à la réserve et la salle à manger.
Melle Renée Albert officiait derrière un comptoir en zinc, au fond à gauche en rentrant. Sur la droite, la caisse avec la balance, derrière celle-ci, les bocaux de bonbons, en continuité, le mur tapissé de grandes étagères en bois et de tiroirs, faisant face à des placards hauts, à portes vitrées, en dessous le stock de fruits et légumes. Aucune chaise ou table, la clientèle restait debout.
La glacière était installée derrière le comptoir, sur la gauche. A l’époque, les armoires réfrigérées n’existaient pas et des pains de glace de 10 kg et d’1 mètre x 0.20 x 0.30, fabriqués à Saint-Germain, étaient livrés tous les jours en été et 1 à 2 fois par semaine en hiver. Il fallait casser, au pique à glace, tous ces pains, pour pouvoir les rentrer dans la glacière.
Les percolateurs, eux aussi, n’existaient pas, le café se faisait dans une cafetière.
Le beurre était vendu à la coupe, la chantilly à la louche, le lait à la mesure.
Le crédit à la clientèle était courant.
Pour son réassort, Mademoiselle Renée Albert faisait appel aux établissements Juré, grossiste à Meulan pour l’épicerie, Martin, pour le beurre en plaquette et différents fromages, Tafforeau, pour les bonbons, Olida, pour la charcuterie, Dubonnet, pour les apéritifs. Pour les fruits et légumes, elle descendait, une fois par semaine aux Halles de Paris, avec M. Vedel, qui tenait la boutique du 141 et qui possédait un véhicule. Durant son absence, la buvette épicerie restait ouverte et c’est sa belle sœur qui venait la remplacer.
Pour le vin, elle se le faisait livrer en tonneaux par la maison Alric. Les livreurs accédaient à la réserve en passant par l’impasse des Hutins et pour éviter toute fatigue roulaient les fûts sur le chemin. Venait ensuite la corvée de la mise en bouteilles et Renée Albert mettait son frère à contribution.
La clientèle était composée d’habitués comme les passeurs du bac ou Émile Prud’homme et son beau frère, Tony Murena, lui aussi accordéoniste.
Les commerçants du quartier allaient, aussi, souvent sur l’heure de midi, prendre un apéritif, tout comme les équipes du Port Marron. Le matin ou en début d’après midi, elles stoppaient devant la devanture, descendaient de leur vélo et allaient se rincer la gorge avec un café arrosé.
Les jours d’enterrement, les hommes abandonnaient leur femme au pied de l’église et s’en allaient à la buvette. Les soirs de cinéma, la foule se massait à l’intérieur et la boutique bruissait de mille commentaires, Nénette Albert devait attendre la fin de l’entracte pour installer les volets et terminer sa journée.
Le dimanche, on pouvait jouer aux cartes, derrière, dans la salle à manger.
Renée Albert, Nénée - Nénette, est morte dans sa boutique, un jour de fermeture en 1956 ou 1957. (pas de date précise connue par la famille) Sa sœur Fernande, le temps de trouver un repreneur, a assuré la transition.
Le repreneur a continué les activités, épicerie-buvette, ainsi que fruiterie. (nom inconnu) pendant un certain temps.