Septembre 1972…
Après une installation sommaire dans notre maison nouvellement construite, il était urgent d’organiser la rentrée pour nos enfants, notamment en ce qui concernait les activités extra scolaires très rares à l’époque, si ce n’est sur le plan sportif. Pas de chance sur le plan musical où rien n’existait, mais une chance sur le foot, notre fils ne rêvant que de taper dans le ballon depuis son tout jeune âge.
C’est ainsi que je me fourvoyais dans une réunion totalement masculine. Rémi Barrat, l’organisateur, s’installa à côté de moi pour m’accueillir, moi, la seule femme de l’assemblée.
De souvenirs évoqués, puisqu’il se révélait que nous étions collègues dans l’Éducation Nationale, en projets sur la ville, nous en sommes venus à parler musique que je pratiquais avec mes élèves de Carrières-sur-Seine en flûte à bec. Très en vogue en ces années où le baroque était redécouvert, la flûte à bec était un excellent instrument peu onéreux à l’achat et avec lequel j’avais, sous la houlette de grands pédagogues musicologues et concertistes créé un orchestre d’enfants de CM2. Nous donnions de beaux concerts en fin d’année.
Très intéressé par cette expérience, Rémi Barrat rêva tout haut de formation d’enseignants, de musique à l’école, de création de cours. Après concertation avec le maire de l’époque, Monsieur Champeix, l’idée était acceptée pour la rentrée 1973, mais…sans budget, bien sûr !
Avec ma panoplie de sopranino, soprano, alto, ténor, basse, je passai dans les classes pour présenter la famille des flûtes. De nombreuses vocations se manifestèrent et les cours furent lancés. C’est donc en bénévolat que je fonctionnais, le soir, après mon retour de Carrières-sur-Seine où j’exerçais toujours. Une dizaine d’adultes et plus de 30 enfants furent assidus plusieurs années.
Antoine Zarfdjian, directeur de l’école Jules Verne fut très intéressé par l’expérience. L’humaniste, le novateur qu’il était se devait de participer. Il me prêta sa salle
classe. C’est, juchée sur une table d’écolier, avec ma flûte, que je lançais les notes et mimais, pour les enfants, les gestes sur l’instrument.
La charge était lourde et elle fut impossible lorsque je fus nommée en direction d’école à Carrières-sous-Poissy. Il fallait créer le poste rémunéré pour un professeur. Le professeur, Marie-Christine Bergoin, titulaire d’une licence d’enseignement et d’une licence de concert n’attendait que ça lorsque je la retrouvai, comme par hasard, lors d’un stage de musique ancienne.
Et l’aventure continua, se développa par l’ajout d’autres instruments au groupe : la flûte traversière, la guitare… Enthousiasme des enfants, des parents lors des spectacles au théâtre rue Cadot : bals Renaissance costumés où danseurs et musiciens en herbe faisaient connaissance avec les pavanes et les gigues, scènes musicales à thème, auditions accompagnées par des professionnels…
Cette joie nous payait amplement de notre investissement.
Quelques années plus tard, l’école de musique se créa : en 1977, le maire, Monsieur Mussigmann, décida de regrouper dans 6 pièces insonorisées de « la maison Senet », les cours de piano donnés au parc par Mademoiselle Brousse et les cours de flûte à bec, flûte traversière et guitare. Le violon puis les percussions s’y joignirent.
Mon amie la flûtiste partit en province et la flûte à bec fut détrônée de son rôle d’instrument à part entière, méprisée parce que méconnue et les élèves se virent proposer de la clarinette, faute de professeur spécialisé.
L’histoire de ces humbles mais solides cours de flûte à bec, de solfège instrumental hors des sentiers battus du moment, se termina là sur Triel.
Mais de-ci de-là, au fil des ans, d’autres cours de flûte à bec se créèrent ailleurs et des années plus tard, je découvrais à l’école de musique de Triel un jeune professeur, Boris, qui avait été initié par mon propre professeur, Monsieur Jean HENRY de Sartrouville. La boucle était bouclée, d’autant plus que, ironie de la vie, je me vis proposer, dans ma délégation de chargée de la Culture lors d’un mandat municipal, je me vis donc proposer la charge de… l’École de Musique ! Quelle joie, quelle émotion !
Lucette Delcayre