Les Mémoires Vives

Entretien avec Monsieur Daniel Brialy

Brialy Daniel – 83 ans - n'est pas né à Triel – demeurant à Triel et en Corse à Murato.
Propos sur l’institution Saint Joseph de Cheverchemont, recueillis en octobre 2016 par Florence Paillet.

L’institution Saint Joseph

J’ai commencé ma scolarité à l’école maternelle de Triel, en dessous de la Mairie puis continué, toujours au même endroit, en CP et en CE1. Je me souviens avoir eu comme instituteur M. Jean Dulac. Ça devait être son premier poste.

ID531 01 Daniel BrialyEn 1941, sur les instances de monsieur le Curé Marquer de la paroisse de Triel, les frères de Matzenheim qui fuyaient l’Alsace envahie, ont fini par installer à Cheverchemont leur établissement scolaire, l’Institution Saint Joseph, dans une grande maison. Après quelques travaux et l’aménagement d’un réfectoire et d’une chapelle, l’école a ouvert pour la rentrée de septembre.
En 1941 ou 1942, mes parents ont décidé de m’inscrire dans cette école. Ils pensaient que je recevrais une bonne éducation et un bon enseignement. Ils n’avaient peut-être pas tort.
De mémoire, j’ai dû faire le CE2, le CM1 et le CM2. Pour la 6è, je suis allé au collège, à Meulan.
Mais en 1944, je suis sûr d’avoir été élève là-bas car je me souviens très bien du jour où mon père, un résistant, s’est fait arrêter par la gestapo. C’était en mai 1944, je descendais pour rentrer à la maison quand une personne m’a prévenu de ne pas rentrer chez moi. Comme je ne savais pas où aller, j’ai tout de même pris la direction de la maison. Une voisine m’a vu, m’a chopé au passage et mis à l’abri chez elle.

L’Institution Saint Joseph comptait des internes, des externes et des demi- pensionnaires. Comme mes parents travaillaient, ils tenaient un salon de coiffure, ils m’ont inscrit en tant que demi-pensionnaire. A la cantine, malgré la guerre, nous avions du pain pas trop mauvais, tous les jours. Nous mangions aussi des pois cassés et encore aujourd’hui, c’est toujours un régal pour moi de déguster un potage Saint Germain (pois cassés - carottes – oignons – lardons – vache qui rit).
On nous donnait aussi, régulièrement, des vitamines, des petits cachets roses. Un mélange de goûts acidulé et sucré, c’était bon.

A cette époque, nous habitions rue Paul Doumer, donc en bas, et l’école était à Cheverchemont, en haut, il fallait la monter cette rue de l’Hautil. Avec des copains, nous avions trouvé la solution. Les camions de la société Sandron de Chanteloup montaient péniblement la côte. Nous les rattrapions et sans se faire voir des chauffeurs, nous nous agrippions à l’arrière. Qu’elle était facile l’ascension !
Ça c’était ma méthode pour me rendre à l’école mais à chacun sa technique. Un camarade, un interne, habitait Les Mureaux. Sa Maman, médecin, tous les lundis matin le ramenait dans une voiture électrique. Déjà écolo...
Un autre, le fils du général Schweisguth, habitait à La Barbannerie, dans les bois, pas loin d’Ecancourt. Il allait à l’école et en repartait à cheval. Il laissait « son étalon », pour la journée, dans une écurie que les frères avaient eu la gentillesse d’aménager.

ID531 02 Daniel BrialyDans le grand parc de la propriété se trouvait un bassin. Les frères nous avaient autorisé la baignade puis après, elle a été interdite. Nous jouions aussi à un jeu bien particulier. Nous tracions avec un petit canif, dans la terre bien humide, un terrain, puis nous lancions un couteau pour dessiner une frontière et délimiter un territoire. Lorsque la cloche sonnait la fin de la récréation, celui qui avait le plus de territoires avait gagné. Nous jouions aussi à «la yousse», aux billes. C’était des grosses billes en acier que l’on récupérait sur les roulements des essieux de camion. Michel Bagros, son père tenait un garage, devait nous en fournir pas mal. On était reconnu quand on possédait une «yousse».

Avec les frères, surtout le frère Lucien, le plus gentil, nous avions un atelier de modélisme. Nous découpions des formes dans du balsa qui étaient ensuite entoilée avec du papier. Nous fabriquions des avions, des bateaux, des maisons, ...

Le frère Raphael animait une chorale et nous donnions des spectacles à la salle Jeanne d’Arc, rue du docteur Sobaux. J’étais soprane et une fois, j’ai chanté en solo avec des chœurs. J’avais le rôle d’un ange. J’avais deux ailes attachées dans le dos. Qu’est-ce qu’elles me gênaient. Dès que j’ai pu les retirer, je n’ai pas hésité.

Malgré les nombreux coups de règle reçus, je n’étais pas spécialement un bon élève, je me suis bien rattrapé après, mais à l’époque, trop de problèmes dans ma tête, je garde de bons souvenirs de cette institution.

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