Les Mémoires Vives

Entretien avec Madame Christiane TAVEAU-GUILLON

L'entretien

 

Entretien de Dominique Aerts avec Christiane Guillon, 91 ans, née Taveau, en mars 2011, à la Maison de Retraire Les Tilleuls à Triel.

 

Mes grands -parents Taveau ont acheté en 1914 une petite maison, chemin du Noyer Godard à Triel (aujourd'hui rue sans issue alors que le chemin allait jusqu'à la rue du Lieutenant Lecomte).
Mes parents se sont mariés en 1919, mon père avait été fait prisonnier et ils avaient pour se loger 2 chambres de bonne à Paris. Il y avait déjà la crise du logement.
Comme je suis née en septembre 1920, Maman a accouché chez nos grands - parents à Triel.
De retour à Paris, on leur a donné congé, pas d'enfants dans une chambre de bonne.
Neuf mois après, il s'est trouvé un petit commerce à vendre au 166 Grande Rue à Triel. (rue
Paul Doumer et actuel pizza à emporter).

ID322-01 Taveau-Guillon - coll  Kraimps

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Dans ce petit magasin, il se vendait un peu de tout et de rien : mercerie, parfumerie, à l'occasion des chaussons, des camisoles, l'été des chapeaux de paille (chapeau d'aloès).
« C'était vraiment le bled »
Et mon père qui était photographe vendait des produits pour la photo. Dans la cave, à la lumière du jour, il faisait des photos d'identité, des communiants, des mariés. Il le faisait aussi à domicile. Ce qu'il n'aimait pas faire, c'était de photographier des défunts sur leur lit de mort : seul souvenir de personnes qui ne s'étaient jamais fait photographier.
Quelque temps après, le logement au dessus du magasin s'est trouvé libre (heureusement ma mère attendait ma sœur Paulette) et jusque là nous n'avions qu'une arrière - boutique et une cuisine. Celle-ci est devenue le laboratoire photos.
Les années ont passées. Le logement du deuxième étage étant libre, mes parents ont loué aussi ce nouvel étage.

Je suis dans ma treizième année, je passe mon certificat d'études, reçue. Mes parents estiment que je n'ai plus rien à apprendre et je ne retourne pas à l'école, seulement à la distribution des prix, le dernier dimanche de juillet. Les reçus au certificat ont eu en plus un dictionnaire « le tout en un « (enseignement ménager, élevage de poules, potager,...).

A cette époque, il y avait quelque chose de pittoresque place Foch. Monsieur Lusse habitait au 17 et il apprenait bénévolement aux jeunes à nager dans le Seine. On se déshabillait dans son sous sol et déroulement de l'opération : chambre à air de voiture, ensuite ceinture de liège et enfin corde qui, un jour, n'avait pas été nouée : nous savions nager ! C'était important de savoir nager. On nageait en fin d'après midi et jamais le dimanche.
Les jeunes de la rive gauche de la Seine, dont mon futur mari, Roger Guillon, qui habitait Verneuil apprenaient à nager chez le constructeur de bateaux Mallard. Pour les meilleurs nageurs, l'enjeu était d'atteindre la première pile du pont.
Quand j'avais une dizaine d'années, il y avait le marché tous les jeudis et il allait de la place Foch au quai de Seine (quai auguste Roy ) et remontait dans la rue du Pont, jusqu'à la pharmacie.

En 1939, la maison où habitent mes parents est en très mauvais état. Les caves des maisons de la rue Paul Doumer et les jardins de la place de la Gare se sont effondrés. (les caves des maisons de la rue Paul Doumer sont de plain - pied avec les caves et jardins de la place de la Gare). Le propriétaire, un Monsieur Vallin de Maison Laffitte veut vendre avec la condition de vendre la maison du 168 qui est à lui et qui n'est pas en meilleure état. Enfin à cette époque on fait encore des arrangements et mes parents achètent. Au 168, il n'y a pas de commerce, ce sont des particuliers, Madame Giron ancienne boulangère de Triel et sa fille, qui doit se marier avec Monsieur Guillet (frère de Madame Madeleine Chevallier, la tapissière). Voilà la déclaration de guerre, le mariage de Mademoiselle Giron est avancé, son mari étant mobilisé. Mes parents avaient donné congé à madame Giron, vu les circonstances, ils ont promis à ses enfants de ne pas les renvoyer avant la fin de la guerre.

 

ID322-03 Taveau-Guillon - journal poissy 28 mai 1931 Ce premier hiver de guerre 39/40, il a fait très froid, la Seine charriait des glaçons, les rives étaient gelées. Avec très peu de chauffage, nous avions froid. Le bac ne circulait pas et les barques essayaient de passer.
Alors qu'à cette époque, il n'était pas rare que la Seine déborde deux fois par an, l'hiver 1954/55, elle est montée jusqu'au milieu de la rue du Pont. Place Foch, le fils des teinturiers René et Renée faisait du bateau pneumatique.

Des travaux ont été faits, les crues sont beaucoup plus rares, mais en 1955 tout le monde est monté sur la passerelle pour voir, ça tanguait et il a fallu évacuer tout le monde.

ID322-04 Taveau-Guillon

Après la guerre mes parents ont pu faire des travaux dans leur commerce : la maison du 168 est devenu le magasin de tissu, lingerie, laine, mercerie, et au 166, mon père a fait son studio et magasin de photos. Triel était devenu très commerçant. Il y avait de nombreux commerces, deux cinémas, un sur le parking de la poste actuel appartenant à la famille Poher (la poste était avant rue du Pont où habite Madame Zeutzius), l'autre le Familial, dans la rue de la Gare à la place des immeubles (ancien emplacement de l'entreprise Zeutzius). 

 ID322-06 Taveau-Guillon - journal de poissy 11 aout 1927 ID322-05 Taveau-Guillon - 11 aout 1927   

 

J'ai oublié de dire que quand j'étais enfant, il y avait fin août, la fête des fleurs avec défilé. Tout ce qui pouvait rouler était fleuri : tombereaux des cultivateurs, vélos, voitures d'enfants (les poussettes en bois étaient de chez Eureka, elles étaient vendues par le bijoutier - car son beau frère les fabriquait), et les enfants couronnés, etc.

J'ai connu mon mari qui habitait Verneuil; il était salonnier chez un coiffeur de cette ville voisine. Nous nous sommes mariés en juin 1942. Au mois de février 1943, mon mari a été requis pour le STO : c'était la guerre, il est parti en Allemagne (de l'Est). Au bout de neuf mois comme les hommes mariés, il a une permission. Mais il n'est pas reparti, il s'est caché ; il avait un emploi dans les carrières du Port Maron. La situation étant calme, son ancien patron monsieur Brialy, coiffeur à Triel, lui a demandé de revenir travailler en lui fournissant des faux papiers d'identité. Au mois de juillet 1943, il a été arrêté avec son patron au salon de coiffure. Ils sont conduits rue de Saussaies à Paris, puis en prison à Fresnes et au camp de Compiègne. Monsieur Brialy est allé à Buchenwald. Mon mari, parti avec un autre convoi, a sauté du train en marche et s'est caché dans une ferme dans l'Oise. Il est arrivé le 5 septembre à Triel et notre fils Alain est né le 7 septembre 1944.

Finalement, nous avions l'intention de nous installer dans la coiffure: j'avais pris des cours de coiffure, mais nous n'en avons pas eu les moyens. Mon mari a trouvé un emploi à la SNCF et j'ai continué chez mes parents. Plus tard avec ma sœur, nous avons pris la succession de ma mère. Mon père a pris sa retraite très tard.
Nous avons eu deux autres fils, Jean Marie et François. Et quand l'âge de la retraite est venu nous avons fait construire une petite maison dans le jardin de la maison de mes grands parents chez qui j'étais née, entre la rue du Noyer Godard et la sortie du jardin : rue Villa du Noyer Godard.

La boucle est bouclée.

 

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