Au milieu du XIXe siècle, l’assainissement de Paris devient un problème important. Les eaux usées sont emportées en dehors de la ville, en aval, dans la Seine ; mais cela crée très vite des nuisances pour les résidents, et on a même vu se développer deux épidémies de choléra dans la capitale (1865-1866). Il faut épurer les eaux, la solution choisie est l’épandage, c’est-à-dire épurer les eaux d’égouts au travers d’un sol perméable cultivé.
Le réseau collecteur est réalisé par Haussmann en 1853 et par Belgrand en 1856. Les réseaux d’eau potable et non potable sont séparés dans les réservoirs de Ménilmontant et de Montsouris.
Les premières expériences d’épandage se font à Clichy dès 1864, puis à Gennevilliers en 1870 et Asnières, et enfin, dans la plaine d’Achères en 1875. Les diverses polémiques à propos de l’épandage freinent le traitement des eaux usées (craintes des odeurs et des maladies).
En 1889, une loi d’utilité publique permet de réaliser des travaux d’adduction à Achères. Dans le même temps, la plaine de Gennevilliers apparaît alors aux agriculteurs comme une zone fertilisée par les épandages.
Le 10 juillet 1894 la loi du tout-à-l’égout permet le raccordement des immeubles parisiens. Les travaux sur Pierrelaye et la boucle de Chanteloup sont terminés en 1899. En 1900, la Seine ne sert plus de déversoir pour les eaux d’égout. Mais rapidement les volumes des eaux usées augmentent, il va donc être nécessaire d’adjoindre une autre méthode à celle de l’épandage : l’épandage biologique.
La première station de ce type est construite à Achères en 1925, et elle entre en service en 1940. En 1970 le SIAAP (Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne) est créé.
L’organisation
La ville de Paris possède des terrains sur lesquels sont gérés des « fermes de la ville de Paris ». Les exploitants sont salariés par elle. A côté de ces terrains on trouve des terrains qui appartiennent à des agriculteurs indépendants.
Un réseau de 250 km de canalisations secondaires répartit les eaux à partir de l’émissaire principal. Des vannes permettent l’écoulement des eaux pour l’irrigation.
Distribution de l’eau :
D’après la loi du 4 avril 1889, il ne peut être déversé plus de 40 000 m/cube par hectare et par an. Or l’eau distribuée ne peut l’être de façon régulière : beaucoup de besoin en été, réduit au printemps et en automne, nul en hiver, du moins pour ce qui concerne les cultures maraîchères et fruitières. L’eau n’est pas distribuée continuellement, mais de façon intermittente sur 3 jours puis 4 jours dans les années 1950.
Équipement de la Boucle de Chanteloup
Sur la zone Carrières-Triel, on trouve 950 hectares de terrains irrigables, dont 100 propriétés de la ville de Paris, sur le territoire de la ferme des Grésillons. Les canalisations atteignent plus de 46 km.
Cette irrigation est attendue avec impatience : il faut rappeler que les terrains du secteur sont pauvres dans la plaine, et sur le coteau la vigne est dévastée par le phylloxéra en 1899 Avant l’épandage, la vigne et les arbres fruitiers (abricotiers, cerisiers, puis pruniers, pommiers et poiriers) faisaient vivre l’agriculteur. La vigne disparaît, puis les arbres fruitiers connaissent la concurrence des récoltes du Midi et de la vallée de la Loire. Les paysans s’adaptent, ils changent leurs cultures et entreprennent le maraîchage, poireaux, céleri-rave, choux-fleurs, pois, pommes de terre.... On ne doit cultiver que des légumes qui seront consommés cuits : les légumes ne doivent pas être en contact avec l’eau, on n’arrose pas, on « mouille» la terre et la parcelle est sculptée pour permettre le mouillage, c’est-à-dire qu’on prépare la terre pour former des rigoles (creux dans lesquels l’eau s’écoule) et les billons, buttes sur lesquels les légumes poussent sans être en contact avec l’eau.
Les agriculteurs ouvrent et ferment eux-mêmes les vannes, surveillent l’écoulement de l’eau, enlèvent les mottes de terre qui gênent son passage... Le mouillage des terres réclame de longues heures de présence sur les parcelles.
L’eau dégage quelquefois une odeur nauséabonde, mais pas plus forte que l’odeur répandue par les boues de compostage. Cela était particulièrement net après l’hiver quand les eaux usées avaient stagné dans les émissaires. Aujourd’hui, l’interdiction de cultiver sur ces terrains fait sourire nos anciens, mais les réglementations changent et il est impératif de les suivre.
Danièle Houllemare
D’après « Un siècle d’épandage dans la Boucle de Chanteloup, étude de la société paysanne et du parcellaire agricole » par Gwenhaël Bonté, Maîtrise d’aménagement ; septembre 2002.