Le procès en décembre 1932 : un accusé arrogant
La salle du tribunal d'assises était comble. A son arrivée dans le prétoire, Davin, tout sourire, fut mitraillé par les éclairs des lampes à magnésium des photographes. Sauf un lobe de l'oreille au bourrelet anormal, un physique sans caractéristiques particulières, qui tranchait sur un comportement effrayant de cynisme. Il lançait des œillades, faisait des mines, cabotinait sous « la fusillade des obturateurs ». La cour entra solennellement ; les photographes sortirent à reculons pour mitrailler leur sujet encore une fois ; seuls restèrent pour la presse journalistes et dessinateurs.
Le président rappela les faits à l'énoncé desquels Davin donnait l'impression d'avoir accompli un exploit sportif : « Après le crime, lui dit le président, vous redressez le cadavre de la victime. » Davin le coupa : « Qui a dit ça ? Lui ? »
Le magistrat évoqua le passé de l'accusé : il était issu, non d'un milieu défavorisé mais d'une famille bourgeoise qui toutefois avait connu un revers de fortune. Son père était garagiste à Puteaux. Ses études avaient été médiocres ; il avait été inscrit au cours Pigier pour y faire l'apprentissage de l'anglais.
« Vous séchiez les cours, remarqua le président, vous préfériez aller jouer au tennis !
- Eh bien ! ... J'allais au court ! s'exclama-t-il, hilare, content de son jeu de mots.
- Vous avez volé de l'argent à votre mère.
- Je ne m'en souviens pas.
- Vous avez même été violent à son égard.
- Je ne m'en souviens pas. »
Un de ses anciens camarades de classe vint témoigner en sa faveur : il avait dû subir de mauvaises influences. « De quoi se mêle-t-il ? Il vient chercher des embêtements ! » C'est ainsi que Davin exprima sa gratitude au témoin de moralité.
Un surveillant de prison parla d'un insupportable détenu. Puis les amis de Davin se succédèrent à la barre : le marchand d'autos, Barbat, affirma ne rien savoir. Davin protesta : « On essayait de vendre des voitures volées, de la coco et on se réunissait tous les matins pour ça ! » Izoard, l'éphèbe, déclara : « Je circulais dans les voitures de Davin qui en changeait souvent ; il suivait une voiture qui lui plaisait et quand elle s'arrêtait, il expulsait le conducteur et se mettait au volant. »
Davin rétorqua « C'est chez lui et avec lui que l'on maquillait les voitures volées ; Wall ne vendait pas des tuyaux de bourse mais des voitures volées et de la cocaïne ! »
Une petite femme blonde, chétive, le visage émacié s'approcha timidement de la barre. Elle n'osait pas regarder autour d'elle et répondait aux questions de la cour avec un fort accent russe : « Je suis l'épouse de Guy Davin mais je ne sais rien ni de ses trafics ni du meurtre ; nous étions pauvres et je me privais souvent de manger. » Le président remercia la jeune femme qui quitta la salle sans un mot, sans un regard pour son mari. » L' audition de la mère de l'accusé fut remise au lendemain.
A suivre
Françoise D.